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- Vie privée de Paul Sauvé
1907-1960
Natif de Saint-Benoît (Mirabel), Joseph-Mignault-Paul Sauvé, est le fils d Arthur Sauvé, journaliste et parlementaire, et de Marie-Louise Lachaîne. La famille s installe en 1923 à Saint-Eustache. Paul Sauvé grandit dans une ambiance stimulante, empreinte de tolérance. Il entame ses études classiques au Séminaire de Sainte-Thérèse pour les achever en 1927 au Collège Sainte-Marie de Montréal.
Après de brillantes études de droit à l Université de Montréal et son admission au barreau le 8 juillet 1930, il décide de se lancer en politique lors des élections partielles de 1930. Alors à peine âgé de 23 ans, il brigue les suffrages et remporte le siège de député conservateur du comté des Deux-Montagnes, détenu sans interruption de 1908 à 1930 par son père Arthur Sauvé.
Celui-ci vient de faire le saut sur la scène fédérale comme député conservateur et ministre des Postes dans le cabinet Bennett, après avoir occupé, tour à tour sur la scène provinciale, les fonctions de chef de l opposition (1916) et de chef du Parti conservateur (1922).
Grand amateur de nature tout comme son père, Paul Sauvé demeurera très attaché à sa famille et à son comté d origine. Il épouse en 1936 dans la paroisse de Saint-Jacques-le-Majeur à Montréal, Luce Pelland, originaire de Sainte-Émélie-de-l Énergie, de qui il aura trois enfants, Luce-Paule (1937), Pierre (1938) et Ginette (1944).
Paul Sauvé, militaire émérite
1931-1946
Résolument pacifiste, Paul Sauvé dénonce la conscription obligatoire imposée par le premier ministre Mackenzie-King en novembre 1944. Cependant, même s'il épouse à titre de député de l'Union nationale le discours anti-conscriptionniste, il fait preuve en tant que simple citoyen d'un engagement profond envers la défense inaliénable des libertés.
Soldat réserviste en 1931, Paul Sauvé s'enrôle dès 1939. Il est bientôt promu capitaine du 2e bataillon des Fusiliers Mont-Royal (1940), puis commandant de compagnie au Centre de Sorel. Il consacre ses énergies en 1941 à la mise sur pied de l'École d'officiers et de sous-officiers de Saint-Hyacinthe, puis en 1942, du Centre de formation avancée de Farhnam, d'où sortiront d'excellentes promotions d'officiers destinés à mener l'offensive alliée en Europe.
Reçu officier d'état-major à Kingston, le major Sauvé rejoint en juin 1943 le bataillon des Fusiliers Mont-Royal (FMR) stationné en Angleterre. À la tête du régiment, le commandant en second Sauvé débarque à Courseulles-sur-mer le 7 juillet 1944 pour prendre part à la campagne de Normandie. Le bataillon subira ses plus lourdes pertes lors de l'attaque lancée contre la crête de Beauvoir-Troteval-Verrières le 20 juillet, mais réussit à s'emparer de l'Église de Saint-Martin-de Fontenay dans la nuit du 1er août 1944. En septembre, le commandant Sauvé et ses hommes remontent à l'assaut de Ghlyvelde, près de Dunkerque et prennent le 4 octobre la ville belge de Cappelen où ils installeront leur quartier général. Les Fusiliers poursuivent leur avancé jusqu'en Hollande avec la campagne de Beveland-Sud.
Élevé au grade de lieutenant-colonel et commandant des Fusiliers fin août 1944, Paul Sauvé se voit décerner la Croix de Guerre par la République française en 1946 pour son rôle exemplaire dans la Bataille de Normandie. Il revient à la vie politique en 1946, tout en demeurant brigadier de la 10e brigade d'infanterie de réserve des Fusiliers. Il restera toujours fidèle à ses valeureux camarades de combat et à son célèbre régiment. De son propre aveu, cette expérience sur le front ennemi fut déterminante dans l'affirmation de sa force de caractère. Homme de courage et combattant acharné, nous le verrons plus tard défendre avec la même ardeur les enjeux qui lui tiennent à cour au cours de sa brillante carrière à titre de ministre et de premier ministre .
Un homme politique tourné vers l avenir
1930-1960
Paul Sauvé succède à son père comme député conservateur dans le comté des Deux-Montagnes lors de l'élection partielle de 1930. Réélu en 1931, il demeure presque sans interruption représentant de cette circonscription jusqu'à son décès en 1960. Dès ses débuts sur la scène politique, il s'élève à une fonction des plus prestigieuses en devenant à 29 ans le plus jeune orateur de la Chambre d'assemblée (1936-1940).
L'intermède de la Seconde Guerre mondiale met temporairement un frein à sa carrière politique, même s'il demeure député élu dans Deux-Montagnes. Démobilisé en janvier 1945, il fait un retour à la vie publique en septembre 1946. Maurice Duplessis lui offre alors la direction d'un tout nouveau ministère, celui du Bien-être social et de la Jeunesse où il lui laisse les coudées franches.
Responsable de la gestion de l'ensemble des programmes sociaux et des établissements d'assistance publique, il met de l'avant de nombreux programmes, notamment les allocations de vieillesse, les programmes d'aide aux mères nécessiteuses, les pensions aux aveugles et le programme de pensions aux invalides. Paul Sauvé se porte aussi à la défense des jeunes contrevenants avec le dépôt en chambre du bill 65 visant à privilégier l'aspect de la prévention/réhabilitation en matière de délinquance juvénile. Le Québec se positionne dès lors à l'avant-plan dans le dossier de la rééducation.
Progressiste et visionnaire, Paul Sauvé se préoccupe de former une main-d'ouvre qualifiée dans les secteurs de pointe afin de répondre aux exigences d'un marché d'après-guerre en pleine expansion. L'une de ses contributions majeures à l'essor économique du Québec réside dans le développement d'un réseau provincial d'une cinquantaine d'écoles d'enseignement professionnel spécialisées dans divers secteurs d'activités : textile, ébénisterie, papeterie, marine, arts appliqués, arts graphiques, automobile, etc. Mentionnons, entre autres, parmi les écoles techniques, d'arts et métiers, l'École du meuble, l'Institut de technologie de Montréal, l'École de papeterie de la province de Québec, l'École provinciale de Marine. Fait inédit, toutes ces écoles seront placées sous l'égide d'un personnel enseignant essentiellement laïc. Plusieurs de ces institutions se trouvent également documentées dans le fonds de l'Office du film du Québec (E6,S7,SS1) conservé au Centre d'archives de Montréal (BAnQ).
Sanctionné par un vote unanime de la députation unioniste, Paul Sauvé succède le 11 septembre 1959 au premier ministre Duplessis décédé subitement. Le gouvernement Sauvé dépose lors de l'ouverture de la nouvelle session une série de 27 projets de loi. Lors de la présentation à la presse de son cabinet, il marque, d'entrée de jeu, le coup d'envoi en lançant sa légendaire formule leitmotiv « désormais », visant à donner le ton d'un tout nouveau style de gouvernance axé sur les réformes à venir.
Paul Sauvé veut bien faire comprendre à ses concitoyens que le Québec se situe à un point tournant de son évolution. La Belle province se trouve en fait à la croisé des chemins vers une ère de modernisation de ses institutions et de son administration. Les historiens qualifieront plus tard de « Révolution des 100 jours » ce trop bref passage à la tête de l'État. Certains même y verront une forme de prélude au grand remue-ménage de la Révolution tranquille des années 1960. Son action s'inspire effectivement de l'«idéologie du rattrapage» qui pavera la voie à l'ère des réformes de la Révolution tranquille. Paul Sauvé, le plus progressiste des conservateurs, semble s'être donné pour objectif de faire entrer le Québec de plein pied dans l'ère de la modernité.
Au nombre des mesures mises de l'avant au cours de ses 112 jours de règne, signalons le coup de barre donné dans le dossier des relations avec le monde des médias, le règlement si longtemps espéré de la question des subsides fédéraux aux universités, la reconnaissance du droit d'association et l'ouverture aux mouvements de syndicalisation, le renforcement des acquis de la Fonction publique, instrument indépendant de l'appareil de l'État. Paul Sauvé crée également un poste de chef de l'information afin de mieux faire valoir auprès la population le bien-fondé des nouvelles orientations de son gouvernement.
Il sait déléguer et faire confiance à son cabinet. Ses ministres auxquels il laisse plus de latitude conservent la responsabilité de leurs décisions. Il relance les discussions sur la frontière du Labrador, déclare l'urgence de réévaluer le système d'éducation. Nous le voyons prendre part aux négociations fédérales-provinciales sur le partage des impôts et la fiscalité. Sur le plan des infrastructures, il inaugure l'autoroute des Laurentides et annonce la construction de trois centrales hydroélectriques sur la rivière Manicouagan.
Son décès subit le 2 janvier 1960 déconcerte les milieux politiques, attristés devant la disparition d'une des plus brillantes figures de sa génération. Selon Georges-Émile Lapalme, sans ce départ prématuré, Paul Sauvé aurait sans doute eu la volonté et l'intelligence politique de procéder à la plupart des grandes réformes qui transformeront bientôt de fond en comble notre paysage socioculturel québécois au cours de la Révolution tranquille.
Des obsèques nationales sont célébrées le 5 janvier dans sa ville d'origine et la dépouille est exposée en chapelle ardente dans la résidence familiale, rue Chénier, où ses concitoyens viennent en grand nombre lui rendre un dernier hommage. Les représentants de la classe politique sans distinction d'allégeance assisteront aux funérailles. Antonio Barrette, ministre du Travail dans les cabinets Duplessis et Sauvé, lui succède brièvement le 8 janvier comme premier ministre avant d'être remplacé par Jean Lesage et son équipe portés au pouvoir dès juin 1960.
Source: Archives nationales du Québec
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